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Le prix exorbitant des paradis fiscaux

Le site Mediapart a publié le 25 juillet un article fort intéressant intitulé « Le prix exorbitant des paradis fiscaux », que nous vous incitons à lire in extenso, et dont nous vous proposons un petit résumé :

Une fondation indépendante, Tax justice network, vient de publier une étude sur l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, tentant de cerner le prix réel de l’off shore. Selon elle, tout pousse à sous-estimer l’ampleur de cette évasion fiscale, qui tournerait autour de 25 500 milliards d’euros (plus que l’addition du PIB des États-Unis et du Japon).
Et encore : « Il s’agit juste de la richesse financière. Une bonne partie des actifs investis dans l’immobilier, les yachts, les écuries de courses et tant d’autres choses qui comptent pour les grandes fortunes est détenue au travers des structures off shore qui rendent impossible l’identification de leurs propriétaires ».
Il est un autre chiffre encore plus éloquent : « Une analyse détaillée des 50 premières banques privées internationales révèle qu’à la fin de 2010, elles géraient collectivement plus de 15 milliards d’euros d’investissements internationaux pour le compte de clients privés, y compris à travers des trusts et des fondations ». Contrairement à ses démentis répétés, le système bancaire international est donc bien la pierre angulaire de ce système d’évasion fiscale.

Des paradis disparus en cinq jours
L’étude a repéré tous les grands noms de la gestion de fortune, dont de nombreux établissements secourus par des fonds publics en 2008 et 2009, comme Barclays, ABN Amro, Goldman Sachs, ou dans une moindre mesure BNP Paribas et Crédit agricole. Le jeu de dupes de la crise financière apparaît au grand jour : les gouvernements ont sauvé les banques sans leur demander la moindre contrepartie, même pas de fermer leurs filiales dans les paradis fiscaux.
En 2010, elles continuent de prospérer sur cette activité. En cinq ans, leurs actifs gérés pour le compte de leur clientèle internationale ont presque été multipliés par 1,5, passant de 9 à 15 milliards d’euros.
« Nous aurions dû tous nous alarmer quand la liste noire des paradis fiscaux établie par l’OCDE, qui était censée être la ligne de front du combat mondial contre l’opacité était vide dès le 7 avril 2009, seulement cinq jours après le communiqué du G20. Les paradis fiscaux sont maintenant censés être nettoyés. Pendant ce temps, les banques internationales continuent de prospérer dans la gestion de fortune », insiste James Henry (auteur de l’étude).
Les paradis fiscaux, cependant, ne sont bien souvent que des structures de transit. Car si les grandes fortunes recherchent l’opacité et le secret pour fuir les impôts et les taxes, elles veulent en même temps bénéficier des meilleures garanties du droit et de la loi pour protéger leurs avoirs. Et il n’y a que les grands pays développés qui peuvent leur apporter cette sécurité. Les vrais paradis fiscaux, ce ne sont pas les îles Caïmans ou les îles Vierges, mais Londres, la Suisse, le Luxembourg et New York.

Un système opaque que pour les non-initiés
La conclusion de l’enquête réalisée par la Barclays avant de consentir un prêt de 13,6 millions d’euros à son nouveau client, Ziad Takieddine, illustre combien l’évasion fiscale, le mensonge, la corruption sont désormais des facteurs « normaux » dans le monde bancaire : « Comme on peut s’y attendre pour un client de la nature de Ziad, ses avoirs sont détenus par le biais de structures offshore, bien qu’il soit, lui et non un trust, le bénéficiaire direct de chacune (...) En raison de sa résidence à Paris, la structure de ses propriétés d’actifs est un peu complexe », avant de conclure que le nouveau prêt passerait par une structure aux îles Vierges.
Il y a longtemps que les banques ont appris à fermer les yeux. Après avoir accueilli dès les débuts des années 1970 les dictateurs africains ou des pays sous-développés qui reconvertissaient en avoirs personnels les crédits obtenus par leur pays, en laissant les dettes à leur population, elles ont ouvert les bras à tous à partir des années 1980, à la faveur de la libéralisation des marchés de capitaux et de la baisse des impôts, voulues par Ronald Reagan et Margaret Thachter.

Ils sont les 1 % bénéficiaires de la mondialisation.
Dans une autre étude sur les inégalités, la fondation Tax justice network rappelle les travaux de l’économiste Thomas Piketty, de l’école économique de Paris, et d’Emmanuel Saez, de l’université de Berkeley, sur les revenus aux États-Unis entre 1980-2010. Durant cette période, les revenus des 1 % les plus riches ont doublé, ceux des 0,1 % les plus riches ont triplé, ceux des 0,01 % les plus riches ont quadruplé. Pendant ce temps, les 90 % restants ont perdu plus de 5 % de revenus.
Une à une, les théories libérales tombent. L’augmentation des revenus des plus riches ne se transmet pas au reste de la population, la libéralisation des marchés des capitaux ne garantit pas l’efficience des marchés, mais favorise au contraire les trous noirs de plus en plus importants de la finance internationale. La baisse des impôts n’endigue pas l’évasion fiscale et accroît les inégalités, en cassant les systèmes de redistribution.

Des pays débiteurs qui sont en fait créanciers
Sur la base d’un rendement de 3 %, les revenus des milliards dissimulés au fisc, s’ils étaient imposés à 30 %, rapporteraient entre 155 et 225 milliards d’euros aux gouvernements.
Ces sommes manquent d’abord aux pays non occidentaux. « Les 139 pays aux revenus les plus bas dans le monde, qui sont considérés comme traditionnellement débiteurs net, affichent, selon les statistiques officielles, une dette extérieure de 4 900 de milliards d’euros à la fin 2010. Mais si les réserves en devises étrangères et les comptes extérieurs, y compris off shore, de leurs riches ressortissants sont inclus, l’image s’inverse totalement : ils sont créanciers nets à l’égard du reste du monde à hauteur de 12 200 à 15 800 milliards d’euros. Le problème est que les actifs sont détenus par un petit nombre d’individus riches tandis que la dette est supportée par l’ensemble de la population de leur pays », note James Henry.
L’Europe, en pleine crise financière, est dans le même cas. Si l’évasion fiscale et l’opacité financière ne minaient pas le système, la zone euro serait aussi créancière nette à l’égard du reste du monde, assure Thomas Piketty. Et les dettes jugées insupportables des pays comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie, diminueraient de façon spectaculaire si l’argent exilé en Suisse, au Luxembourg ou à Londres revenait dans les pays d’origine et payait normalement l’impôt.
Les grandes fortunes et les banques sont arrivées à un niveau de puissance où elles organisent le système pour leur unique profit, exigeant auprès des politiques les meilleurs services et les meilleures protections, sans accepter de payer le prix. Dans le même temps, ce sont les mêmes qui, au travers des banques, des hedge funds, des fonds d’investissement, grâce aux masses de capitaux qu’ils ont accumulés pendant ces trois décennies, organisent la déstabilisation de la zone euro, et protestent contre l’ampleur des dettes.

Au moment où l’Europe court à sa ruine, où les mêmes dépenses sociales et d’éducation sont considérées comme des luxes insupportables, la question de la reprise du contrôle de ces trous noirs financiers organisés par la finance ne peut pas être éternellement différée…

Article publié le 25 juillet 2012.


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