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L’économie, j’y comprends rien !

L’explosion des dépenses publiques est brandie comme la raison majeure du creusement des déficits. Les Etats seraient trop dispendieux, nous dit-on.
En fait, les dépenses sont restées globalement stables, avant la crise financière. La succession de réformes de l’impôt sur le revenu puis les importants cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux grandes entreprises constituent l’une des sources majeures de l’endettement.
En deux décennies, le taux d’imposition a en moyenne diminué de 25 points pour les ménages les plus riches, tandis que les exonérations de charges et les dispositifs d’aides se sont multipliés pour les firmes. On emprunte donc aujourd’hui à ceux que l’on imposait autrefois. La libéralisation financière internationale a ouvert grand les portes de l’évasion fiscale offshore et aggravé encore ce manque à gagner fiscal.
Les baisses d’impôts cumulées depuis 2002 représentent aujourd’hui un manque à gagner annuel de 60 milliards ! Rien qu’avec cette somme, le service de la dette n’est plus un problème. Focaliser sur les dépenses permet d’évacuer une cause majeure de la dette qui se niche dans les recettes ayant subi de fortes baisses.

Le rapport d’information, que le député UMP Gilles Carrez a établi en juillet 2010 dans le cadre du débat d’orientation budgétaire (1) , donne des éléments qui permettent d’évaluer l’impact de "dix années de pertes de recettes non compensées". On a ainsi pu calculer, qu’en l’absence des cadeaux fiscaux, le déficit budgétaire n’aurait été que en de 3,3% en 2009 au lieu de 7,5%, la France connaissant même, dans ce cadre, un léger excédent budgétaire en 2006, 2007 et 2008.

L’endettement est par ailleurs dû au choc récessif qui a suivi le quasi-effondrement financier de 2008. Les Etats ont vu leurs recettes fondre au moment où ils étaient appelés à la rescousse pour sauver les banques et pour soutenir l’activité en laissant filer les déficits. Mais des financiers et de leurs comparses au sommet de l’Etat on attendrait en vain un mea-culpa…
Les pays succombent les uns après les autres selon un scénario rodé : une mauvaise nouvelle (comptes truqués, coût de la recapitalisation des banques, croissance atone, chiffres du chômage…) est l’occasion d’une attaque spéculative qui devient « auto réalisatrice ». Les paris sur un défaut font monter les taux d’intérêt, ce qui accroît l’endettement des Etats et aggrave les déficits. Les gouvernements répondent par un train de mesures d’austérités, puis un autre… En vain. La Grèce, l’Irlande et le Portugal furent les premiers de la cordée à trébucher, l’Espagne et l’Italie les suivent de près, alors que la France et les Etats-Unis sont à leur tour menacés.

L’histoire récente montre pourtant que ce chantage des marchés n’a rien d’une fatalité. La dette est un phénomène politique, sujet à l’évolution des rapports de force. La dictature des créanciers est une construction récente qui n’a rien d’inévitable. Jusqu’aux années 80, en France, l’essentiel du financement public s’effectuait par l’entremise des banques, dans un cadre très contrôlé. Aujourd’hui ce sont les traités européens qui interdisent à la BCE d’apporter directement aux Etats les liquidités dont ils ont besoin à court terme.
En clair, les Etats ont décidé d’emprunter sur les marchés financiers et non auprès des banques centrales pour éponger leur dette. Ils se sont mis sous l’emprise de la finance, subissant les variations des taux d’intérêts, se rendant ainsi dépendants des marchés.

Une logique imparable s’est donc mise progressivement en place. Les ménages les plus riches bénéficient d’allégements fiscaux conséquents, que ce soit en matière d’impôt sur le revenu ou par le biais d’une imposition moindre de leur patrimoine et des revenus de ce dernier. Ils dégagent ainsi des liquidités qu’ils peuvent prêter à l’État qui en a justement besoin à cause de ces allégements fiscaux et qui leur verse une rétribution pour cela. Ils touchent un double "dividende" : moins d’impôt et plus de rente. La dette est donc fondamentalement inacceptable car elle représente un transfert financier de la grande masse de la population vers les plus riches. C’est la grande masse des contribuables qui, à travers la fiscalité, paye la charge de la dette et c’est elle qui en subit les conséquences avec la réduction des dépenses publiques.

L’accroissement de la dette publique repose également sur le fait que les États sont obligés d’emprunter sur les marchés financiers. Mais pourquoi donc doivent-ils s’endetter sur les marchés financiers ? En France, une réforme de la Banque de France a été votée en 1973 sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances de Georges Pompidou. Cette réforme a interdit au Trésor public d’emprunter directement à la Banque de France à des taux d’intérêt nuls ou très faibles. Le gouvernement français a été dès lors obligé de faire appel aux marchés financiers, c’est-à-dire à des banques privées, et ce à des taux d’intérêt relativement élevés. Cette disposition a été reprise intégralement dans les traités européens qui interdisent à Banque centrale européenne (BCE) de financer les États membres. Nous sommes donc dans une situation hallucinante dans laquelle les banques privées se refinancent à un taux dérisoire auprès de la BCE et prêtent aux États à des taux nettement supérieurs voire carrément usuraires. Les États et l’Union européenne se sont ainsi mis volontairement sous l’emprise des marchés financiers.

La dette est donc triplement illégitime : elle est le produit des cadeaux fiscaux fait aux dominants, de la crise financière dont ils sont responsables et du recours aux marchés financiers auxquels ils participent. Sortir de la situation actuelle suppose d’abord d’annuler au moins partiellement les dettes publiques en Europe, un audit citoyen de la dette publique devant déterminer la fraction de la dette à annuler et les acteurs concernés par cette annulation. Il faut ensuite une autre politique monétaire. En particulier la BCE et les banques centrales nationales doivent pouvoir, sous contrôle démocratique, financer les États et les politiques publiques européennes afin de sortir de l’emprise des marchés financiers. Il faut enfin une réforme fiscale d’ampleur qui redonne des marges de manœuvres à l’action publique. Il s’agit fondamentalement de repenser radicalement la construction européenne en mettant fin à des politiques d’austérité injustes et inefficaces et en mettant en œuvre des politiques économiques et sociales au service des populations.

Mais une telle rupture ne pourra s’effectuer que si les peuples s’en mêlent et imposent par leurs mobilisations ces réponses nouvelles à la crise.
L ’exigence d’un moratoire et d’un audit sur la dette publique est la seule façon d’imposer un rapport de force aux marchés….

(1) Le rapport Carrez sur l’application des lois fiscales, présenté le 6 juillet, a mis en évidence le taux réel d’imposition des grands groupes, bien plus bas que pour les PME. Car alors que ces dernières acquittent un impôt sur les sociétés qui approche le taux officiel de 33%, les grosses entreprises seraient seulement à 13%... voire moins : 8% pour le moyenne du CAC 40 et même 0% pour Total, malgré ses 10 milliards de bénéfice.

Article publié le septembre 2011.


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